Le service des manuscrits : entre espoirs et frustrations
Il y a quelques jours, pour mon premier manuscrit, j’ai reçu une lettre de refus provenant d’une grande maison d’édition, qui disait ceci :
« Chère Madame,
Nous vous remercions de nous avoir fait parvenir votre manuscrit intitulé : ___________.
Malheureusement, nous ne pouvons le retenir pour publication et nous tenions à vous en informer sans tarder.
Nous vous remercions de votre confiance, et vous prions de croire, chère Madame, à l’assurance de nos salutations distinguées.
Le comité de lecture »
Lapidaire ? Oui. Mais surtout ahurissant ! Ce manuscrit dont ils parlent, celui pour lequel ils tenaient à m’informer « sans tarder », leur a été envoyé il y a plus d’un an !
La faute à qui ? À quoi ? Toutes les maisons d’édition affichent-elles un délai de réponse aussi long ? Évidemment et heureusement, non.
S’agissant du service des manuscrits, chaque éditeur a sa manière de procéder : du décideur unique jusqu’au comité de lecture, des stagiaires ou étudiants en lettres jusqu’aux directeurs éditoriaux. Tous attendent le manuscrit singulier, celui qui portera une voix, celui aussi et surtout qui correspondra à la ligne éditoriale, celui qui, en premier lieu, sera bien écrit et bien construit, celui dont l’éditeur imagine déjà le livre dans les rayons des librairies.
Renouveler son catalogue démontre la vitalité d’une maison d’édition. Remporter le prix du meilleur premier roman est un graal médiatique. Toutes cherchent donc perpétuellement de nouvelles plumes, les perles rares. Et pour les trouver, chacune use de ses propres méthodes.
Et dans ce paysage de la littérature française, Édith & Nous propose une expérience différente et complètement inédite, que ce soit pour les auteurs comme pour les éditeurs.
Le tri des manuscrits : les mauvais, les bons, les excellents
Lorsqu’en avril 2021, plus d’un an après le début des confinements en France dus à la Covid-19, Gallimard (Paris) a demandé de suspendre l’envoi des manuscrits, les réactions dans les médias, le monde de l’édition et sur les réseaux sociaux ne se sont pas fait attendre. Car comment accepter pour un auteur qu’un éditeur demande d’interrompre les envois de textes ? Et comment lire et trier des textes quand on en reçoit des dizaines par jour ? Pourquoi les maisons d’édition n’engagent-elles pas, dans ce cas, plus de moyens pour gérer tous les envois ? Pourquoi certains auteurs ne prennent-ils pas la peine de finir leur projet d’écriture avant de l’envoyer (les maisons reçoivent parfois de simples plans, des synopsis, même des idées…) et de vérifier que la maison à laquelle ils le transmettent publie bien le genre de livres qu’ils écrivent ?
Dans les plus grandes maisons d’édition, on reçoit entre dix et quinze premiers romans par jour. Or, seulement trois à cinq paraîtront dans l’année. Ils seront intégrés à un planning de publications mêlant auteurs maison et nouveautés, sur fond d’enjeux commerciaux et préservation du patrimoine littéraire, notamment quand Gallimard publie des manuscrits inédits de Marcel Proust.
Pour faire le tri parmi les manuscrits, la première sélection est drastique. Elle élimine 90% des réceptions en quelques minutes : en lisant les premiers paragraphes, parfois simplement avec la lettre d’intention, l’éditeur sait si ce texte est bien écrit et s’il a une chance de l’intéresser.
Le travail, pour une maison d’édition, quelle que soit sa taille et son organisation, réside davantage dans l’étude des bons textes, ceux qui ne sont pas mauvais, mais pas extraordinaires non plus. Ceux-là même où l’éditeur sent qu’il y a quelque chose à creuser, quelques points à améliorer pour le rendre publiable, un récit qui a du potentiel, une voix, quelque chose qui le démarque des autres, mais qui est encore à retravailler. Ce sont ceux-là, ces textes sur lesquels les éditeurs passent le plus de temps, parfois plusieurs jours, et qui concernent près de 10% des réceptions. Ensuite, il y a le tout petit pourcentage d’excellents textes qui représentent 1‰, pour 3000 ou 5000… Ces manuscrits, ce sont ceux qui parviennent à surprendre l’éditeur, à le séduire et le toucher. Des textes pour lesquels l’éditeur va immédiatement décrocher son téléphone tant il aura envie de les défendre. De futurs romans qui sauront, il le sait, se faire une jolie place au cœur des librairies, dans la littérature française, et pourquoi pas même à travers le monde. Dans son livre de conseils aux auteurs, Écriture, Mémoires d’un métier, Stephen King disait à propos des manuscrits réussis : « Lorsqu’arrive le bon moment, sortez le manuscrit de son tiroir. S’il vous fait l’effet d’une relique venue d’on ne sait où, achetée chez un brocanteur ou dans un vide-grenier, vous êtes prêt. »
À l'attention du service des manuscrits
« À l’attention du service des manuscrits », c’est ainsi que débute la quatrième de couverture du roman d’Antoine Laurain, auteur du polar intitulé Au service des manuscrits (Flammarion), et dans lequel Violaine Lepage, une célèbre éditrice parisienne, tombe un jour sur un excellent manuscrit dont l’auteur, Camille Desencres, reste introuvable.
Cette phrase d’Antoine Laurain, « À l’attention du service des manuscrits », nombre d’auteurs la rédige en introduction à leur lettre d’intention, sans vraiment savoir à qui ils s’adressent, entre quelles mains leur texte va atterrir.
L’éditrice Alix Penent, désormais chez Flammarion (Paris), disait il y a dix ans déjà dans une interview accordée au magazine l’Express qu’elle regrettait que la moitié des envois arrive par hasard, selon les adresses des Pages jaunes. Par hasard… Oui, parce que les auteurs ont aussi parfois du mal à trouver un contact auquel envoyer leur texte. On nous dit que les éditeurs ne se cachent pas, mais ils ne s’affichent pas vraiment non plus. Car ils craignent, à raison, d’être submergés de demandes notamment depuis l’émergence des réseaux sociaux. Et sur le site internet de la plupart des maisons d’édition, le contact ainsi que la démarche pour adresser son manuscrit se trouvent souvent inscrits en petits caractères dans le footer de la page d’accueil. D’ailleurs, si un éditeur affiche en grand le contact de son service manuscrit, il s’agira 9 fois sur 10 d’une maison à compte d’auteur ou dite à demi.
Si vous voulez mettre toutes les chances de votre côté pour que votre texte arrive à bon port, qu’il soit lu et apprécié, et qu’il aboutisse à un livre, effectuez des recherches, parlez-en autour de vous, et essayez d’adresser directement votre roman à l’éditeur responsable de la collection que vous avez ciblée. Ou s’il est mentionné sur le site de l’éditeur qu’il dispose d’un comité de lecture, notez-le ainsi dans l’en-tête de votre lettre d’intention. C’est un détail me direz-vous, mais il montrera à votre destinataire que vous avez effectué des recherches, avez soigneusement respecté les consignes d’envoi et pris des renseignements sur l’éditeur auquel vous adressez votre livre.
En fonction de la taille de la maison d’édition, l’organisation dédiée à la recherche de nouveaux auteurs et le service des manuscrits dans son ensemble diffère dans la méthode et dans les délais de réponse. On a coutume de dire que la moyenne des réponses varie de trois à six mois, mais cela peut être beaucoup plus court (surtout pour un très bon texte pour lequel l’éditeur ne perd pas de temps afin d’éviter qu’il ne soit publié par une autre maison) ou beaucoup plus long… Un an et parfois même jamais.
Le circuit d'un manuscrit dans une maison d'édition
Si votre choix se porte sur les grandes entités, de Grasset à Gallimard, Albin Michel, Actes Sud ou Flammarion, le premier filtre est le service des manuscrits. Généralement, un lecteur fait un premier tri, en éliminant les textes qui ne sont pas bons ou qui ne correspondent pas du tout à l’esprit de la maison d’édition. Puis il redistribue à d’autres lecteurs ceux qu’il a retenus selon leur spécialisation : littérature, science-fiction, polars, etc. Ces lecteurs lisent, critiquent et rédigent des fiches de lecture comportant les coordonnées de l’auteur, le titre du livre, le nombre de pages, le sujet du manuscrit, un résumé ainsi que son commentaire. À ce moment-là, la critique se doit d’être vive et directe pour être efficace. C’est ici que le lecteur écrit si le texte est bon ou mauvais. Certains éditeurs adoptent également un système de notation : 0 pour les excellents manuscrits, 1 ou 2 pour les bons textes, 3 pour ceux qui ne passeront pas l’étape supérieure.
Un comité de lecture, généralement constitué de deux à dix personnes, se réunit le plus souvent une fois par semaine. Chaque lecteur y défend alors le(s) texte(s) qu’il a le plus aimé(s). Des manuscrits sont échangés pour recueillir d’autres avis, car au moins trois opinions favorables sont nécessaires pour atteindre l’étape suivante, celle qui consiste à passer entre les mains de l’éditeur décideur, le directeur de collection.
De manière générale, il est très fréquent que la sélection soit organisée en plusieurs étapes, avec un niveau de compétence croissant et, pour les grands éditeurs, un nombre de décideurs croissant également.
Dans certaines maisons d’édition de taille moyenne ou de petite taille, le parcours est plus direct, car c’est le directeur lui-même qui ouvre le courrier le matin et fait le tri parmi les manuscrits. Parfois, tout se passe ainsi très vite et le contrat avec le nouvel élu peut être signé en l’espace de quelques jours seulement après la réception de son livre.
Quelle que soit la méthode de sélection, les lecteurs chargés des premières étapes croulent toujours sous les envois et doivent lire ou parcourir en un minimum de temps un maximum de textes. C’est pour cela que la présentation de votre travail est primordiale et que vous devrez mettre, ici aussi, du cœur à l’ouvrage. L’habillage autour de votre texte, ses points d’entrée, la manière dont vous le présenterez, tout cela aura un impact sur son parcours au sein du service des manuscrits. Passez du temps sur cette étape-là, faites-vous relire sans complexe (tout le monde n’est pas Dico d’Or de la dictée Pivot !), appliquez-vous vraiment, car c’est à ce prix-là seulement que votre texte sera en mesure de retenir l’attention du premier lecteur, de passer le premier filtre avec succès.
Présenter son texte au service des manuscrits
Avant d’envoyer votre manuscrit à une maison d’édition, étudiez bien son catalogue, assurez-vous qu’elle publie déjà des livres du même genre que le vôtre, puis suivez scrupuleusement les conditions d’envoi de manuscrit : s’il doit être adressé par voie postale ou par email, avec quel interlignage, si vous devez laisser des marges, si l’impression doit se faire uniquement en recto, etc. Le plus souvent, les éditeurs demandent une police Times New Roman taille 12 et un interlignage d’1,5, avec des marges, tout cela afin de faciliter leur lecture et prise de notes.
Une fois votre texte convenablement mis en forme, vous devez désormais vous atteler à rédiger votre lettre d’intention. Pour l’écrire, nous vous conseillons de la séquencer selon un plan établi à l’avance (même si ce plan n’est pas la seule option que vous avez, il a le mérite de vous assurer de ne rien oublier).
Inscrivez toutes vos coordonnées pour vous joindre, puis expliquez la raison pour laquelle vous envoyez votre manuscrit à cette maison d’édition en particulier (pourquoi vous l’aimez, pourquoi elle pourrait apprécier votre texte). Parlez ensuite un peu de vous, de votre vie d’auteur, ou plus largement de votre rapport à l’écriture, à la lecture, à l’édition (restez humble tout en mettant en avant vos atouts, ceux qui attiseront la curiosité de l’éditeur). Enfin, rédigez un résumé de votre livre en vous appuyant sur ses points forts : faites une phrase d’accroche puis n’hésitez pas à raconter la fin de l’histoire. L’éditeur n’est pas un lecteur comme les autres. Il doit savoir où il met les pieds et pour cela, il doit connaître le dénouement et la situation finale pour apprécier votre intrigue.
Déposez votre manuscrit sur Édith & Nous et ouvrez les portes de dizaines d'éditeurs
« Madame,
Votre manuscrit, _____________, nous est bien parvenu et nous vous remercions de l’intérêt que vous avez témoigné à notre maison.
Votre idée n’est pas sans originalité. Toutefois, en dépit des qualités indéniables de votre projet, notre comité éditorial ne l’a pas retenu car il ne rentre pas dans notre ligne éditoriale. (…) »
Voici un exemple de la fameuse lettre de refus invoquant l’incompatibilité d’un texte avec la ligne éditoriale de la maison d’édition visée. Pourtant, vous en êtes certain, cet éditeur publie le genre de roman que vous avez écrit. Alors, vous ne comprenez pas ce qu’il attend, ce que c’est, au fond, la ligne éditoriale d’une maison d’édition.
La ligne éditoriale ce n’est pas seulement le genre de livre qu’un éditeur publie (de la littérature, de la poésie, de la science-fiction, etc.). C’est aussi un ton, une prise de position, une qualité d’écriture. Et puis, cette ligne éditoriale peut varier légèrement en fonction des attentes commerciales et du catalogue en place au moment où vous présentez votre texte.
Un service des manuscrits doit donc prendre en compte d’abord la qualité du texte, puis sa cohérence, sa place au sein de son catalogue et enfin la possibilité de l’inscrire au planning des publications prévues l’année d’après.
En déposant votre manuscrit sur Édith & Nous, vous n’avez plus à vous soucier de connaître telle ligne éditoriale ou telle autre. Vous viserez juste, à chaque fois. Car c’est l’éditeur qui viendra chercher votre texte rendu disponible sur la plateforme.
Pour présenter son manuscrit aux éditeurs partenaires d’Édith & Nous, un auteur télécharge son texte, entre les catégories auxquelles il appartient (fiction, non-fiction, roman, poésie, théâtre… ce qui permet aux éditeurs d’effectuer leur recherche en fonction de leurs intérêts et de leur ligne éditoriale), puis tape quelques mots-clés (là encore, l’éditeur peut affiner sa recherche en fonction de sa ligne éditoriale et des aspirations du moment), rédige un synopsis de 400 caractères maximum puis un deuxième petit texte d’autant de signes pour se présenter en tant qu’auteur.
Le formalisme de la lettre d’intention, les réflexions autour de la ligne éditoriale ou de la mise en page de votre texte, cèdent ainsi la place à une interface utilisateur pensée pour soumettre votre manuscrit à un maximum d’éditeurs, dans les meilleures conditions.