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Portraits

Comment naissent les nouvelles voix de la littérature ?

Par 

Camille Fesquet

Le 

Jun 25, 2022

Fin 2020, Aure Hajar dépose sur Édith & Nous le manuscrit de Berceau de la violence, sans trop y croire et sans réelles attentes. Berceau de la violence est un texte fort, brut et singulier, qui interpelle le lecteur par la justesse de son propos. Quelques mois plus tard, ce texte est présenté à Stéphanie Ricordel, la directrice éditoriale des éditions Eyrolles Romans, qui le lit « dans un état proche de la sidération » et propose rapidement à Aure de le publier. Berceau de la violence sortira début 2023 et sera l’un des événements de la rentrée d’hiver.

C’est l’histoire de cette belle rencontre entre une autrice et son éditrice qui se raconte à travers cette première interview croisée d’Aure et de Stéphanie.

Aure, combien de temps as-tu travaillé sur Berceau de la violence avant de le présenter à des maisons d’édition ?

J’y ai consacré trois ans (entre début 2017 et début 2020), mais par fragments, jamais à temps plein. Par exemple, je n’y ai pas consacré une seule seconde en 2018 parce que mon activité professionnelle ne m’en laissait pas le temps ; puis je m’y suis remise presque à temps plein au début de mon congé maternité, juste avant mon accouchement. C’est ce qui m’a permis de le terminer (enfin, d’arriver à une version que je croyais terminée) !

Quel a été le parcours de ton manuscrit ?

Cela n’aura échappé à personne, l’année 2020 fut celle du premier confinement. Il en a résulté un retard dans la sortie des romans programmés, mais également une surcharge des services des manuscrits dans les maisons d’édition… J’avais un manuscrit, mais je voyais de nombreux éditeurs qui demandaient aux auteurs, par voie de presse, de bien vouloir cesser de leur envoyer leurs textes qu’ils n’auraient pas le temps de lire… J’ai tout de même tenté ma chance par courriel auprès de quelques maisons qui acceptaient les tapuscrits (je n’ai jamais reçu ne serait-ce qu’un accusé de réception), ainsi qu’auprès d’une agente littéraire (qui, elle, m’a recontactée et accompagnée).

En fin d’année 2020, j’ai lu un article de Livres Hebdo qui annonçait la création d’Édith & Nous ; j’ai chargé mon manuscrit sur la plateforme. Il a rapidement été identifié par les équipes du site comme étant publiable, sous réserve de retravail, et il a été défendu auprès des éditeurs susceptibles d’être intéressés, alors que moi-même je n’y croyais plus et que j’étais passée à autre chose.

C’est ainsi que Stéphanie l’a lu et présenté au comité de lecture des éditions Eyrolles.

Stéphanie, comment as-tu découvert Berceau de la violence ?

En juin 2021, Morgane Carmona, d’Édith & Nous, m’a recommandé Berceau de la violence, pour l’une de nos collections. Je cherchais alors des textes pour notre collection Aparté. Ayant découvert Édith & Nous depuis peu, j’avais eu l’occasion de discuter de notre ligne éditoriale avec Morgane. Elle est parvenue à retenir les singularités de notre collection et à reconnaître dans le roman d’Aure de possibles compatibilités.

J’ai ensuite téléchargé le roman sur la plateforme. Morgane m’a relancée avec beaucoup de patience, car je n’ai pas immédiatement trouvé le temps de me plonger dans le texte. En octobre, j’ai commencé à le lire et je n’ai plus pu m’en détacher. Je l’ai ensuite défendu devant notre comité de lecture qui a rendu un avis favorable.

Qu’est-ce qui t’a convaincue de publier ce livre ?

J’ai été tout de suite sensible à l’expérience de lecture qu’il m’a procurée. Le texte allait à l’essentiel, brut, fort, assez insoutenable par moments. Je l’ai lu dans un état proche de la sidération. C’était dû aux qualités de l’écriture, incarnée et personnelle, qui semblait répondre à une forme d’urgence de dire, sans considérations pour les conséquences (la façon dont cela pourrait être perçu par le lecteur). L’actualité du thème avait aussi retenu mon attention : il est question dans Berceau de la violence, de prostitution volontaire chez une étudiante. Mais surtout, j’y ai lu un projet très juste : montrer comment une jeune femme tente de se défaire du traumatisme en s’y confrontant à nouveau, dans une tentative désespérée de lui donner un sens.

Aure et Stéphanie

Aure, comment se sont passés tes premiers échanges avec Stéphanie ?

Stéphanie m’a tout d’abord appelée pour me féliciter et m’indiquer que le comité de lecture avait émis un avis favorable à la publication du texte, à condition que je le retravaille. Lorsque je l’ai rencontrée, j’ai été frappée par son intelligence et sa compréhension de mon roman : elle ne s’était pas contentée de le lire, elle avait tout analysé, tout compris, savait précisément quoi améliorer. Elle a pris beaucoup de gants pour m’indiquer ce qu’elle attendait que je réécrive, elle s’est montrée très douce et respectueuse de mon travail. Je n’avais plus d’attente sur ce texte, car j’étais réellement passée à autre chose mais elle m’a remotivée, d’autant plus que son regard professionnel allait m’aider à transformer ce récit « facile » en un véritable roman. Elle m’a indiqué que j’aurais un gros retravail à fournir sur la structure, mais que je devais absolument conserver mon style qu’elle a qualifié d’organique. J’en ai été touchée, car c’était exactement le mot que j’avais en tête en écrivant : organique. Je voulais que le style traduise les sensations du corps. J’avais au moins réussi cela. Lors de notre rencontre, j’ai aussi pu en savoir davantage sur elle, son parcours, son métier de psychologue que je trouve passionnant, ce qui m’a permis de mieux comprendre d’où lui venait cette compréhension immédiate et cette intelligence dans la construction d’une histoire.

Stéphanie, qu’attends-tu habituellement d’une première rencontre avec l’auteur ou l’autrice dont tu souhaites publier le livre ?

La première rencontre avec l’auteur est toujours un moment très émouvant pour moi. C’est le temps inaugural et fondateur de la collaboration future. J’y découvre un ou une inconnu·e qui me raconte l’histoire derrière l’histoire : comment a germé l’idée de ce livre, ce qu’il voulait en faire, par quel personnage/situation/image le roman lui est arrivé… C’est aussi l’occasion de prendre la mesure de l’engagement futur de l’auteur dans le travail du texte.

Aure a tout de suite eu envie de reprendre son texte. Nous nous sommes entendues très naturellement sur les aménagements à porter. Aure a pris le relais de mes suggestions avec un grand enthousiasme et une intelligence fine. Cela s’est avéré précieux pour révéler ce texte qui était encore un diamant brut.

Retrouvez dès la rentrée de septembre la deuxième partie de cette interview, qui mettra en lumière les coulisses du retravail engagé sur le texte par Aure, sur les conseils de Stéphanie.


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