Combien gagne un auteur par livre vendu ?
Combien gagne un auteur ? Une question toute simple, mais dont la réponse est bien mystérieuse. Et pour cause : elle dépend fortement du succès de l’auteur, mais aussi du genre dans lequel il écrit et de sa maison d’édition. Cependant, la réponse à la question « Comment sont rémunérés les auteurs ? » n’est pas beaucoup plus connue !
Dans cet article, nous avons voulu lever le voile sur le système de rémunération des auteurs que peu d’écrivains connaissent avant qu’on leur propose un premier contrat.
L’édition traditionnelle
Quelle part du prix du livre revient à l'auteur ?
Une petite digression dans un premier temps : En France, nous avons la chance que le livre soit protégé par la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre. Cela signifie que le prix d’un livre sera le même dans tous les lieux de vente, qu’il s’agisse de petites librairies indépendantes ou de grandes surfaces. Cette obligation est d’une importance capitale pour préserver la diversité de la production éditoriale (ou bibliodiversité) qui est principalement défendue par les petites structures. Pour vous donner une idée, aux États-Unis, où aucune règlementation ne protège les librairies indépendantes, le nombre de librairies est équivalent à celui de la France, pour une population et un territoire bien plus large.
Le diagramme ci-dessus donne une bonne idée de la répartition du prix du livre entre les différents acteurs qui participent à sa production.
La seule part fixe est la TVA qui est à 5,5 %.
La part de l’auteur varie en général entre 8 % et 12 %. Ce taux dépend de ses succès précédents et des moyens de sa maison d’édition. Certains contrats prévoient des taux évolutifs ; par exemple, l’auteur touchera 8 % sur les 10 000 premiers exemplaires puis 10 % entre 10 000 et 20 000 exemplaires et enfin 12 % au-delà de 20 000 exemplaires.
Les marges de chaque intervenant de la chaîne étant très serrées, la part de droits d’auteur reste la même lorsqu’il y a plusieurs auteurs ou illustrateurs qui doivent alors se la partager, ce qui est souvent le cas dans le domaine de l’illustré.
La part du libraire se situe quant à elle aux alentours de 35-36 %. Elle peut donner l’impression que le libraire est celui qui gagne le plus d’argent dans cette affaire, mais c’est loin d’être le cas ! En réalité, la librairie est l’un des commerces les moins rentables de France : la majeure partie des revenus du libraire sert à payer son loyer et le salaire de ses employés. Il doit également gérer plusieurs niveaux de stocks qui immobilisent une grande part de sa trésorerie.
Le livre est un marché qui génère assez peu de profits et beaucoup de ses acteurs se maintiennent à l’équilibre économique. Entre l’auteur et les clients de la librairie, beaucoup d’autres jalons interviennent, qui ne sont pas toujours connus. Voici leur rôle :
- Au-delà du travail de sélection et d’édition des textes, l’éditeur s’occupe généralement de la promotion, du marketing et de la gestion des relations avec la presse et les librairies.
- Le fabricant prend en charge la fabrication du livre physique (quelle surprise !), autrement dit la gestion des relations avec l’imprimerie, le choix des matériaux et du format en collaboration avec l’éditeur, etc.
- La tâche principale du diffuseur est de faire connaître les livres des maisons d’édition à leurs clients, c’est-à-dire les librairies. Pour cela, des équipes de représentants sillonnent la France afin de présenter les livres aux libraires.
- Enfin, le distributeur s’occupe des flux physiques et financiers : il envoie les livres aux libraires et s’assure que les factures des uns et des autres soient bien réglées.
L’à-valoir
Revenons à l’auteur !
L’à-valoir est un des points clés du contrat qu’il signe avec un éditeur.
Mais qu’est-ce que c’est exactement ? Il s’agit très simplement d’une avance sur les droits d’auteur, une somme que l’auteur touche dès la signature du contrat.
L’à-valoir moyen est de 1 000 euros, mais varie en fonction des moyens de la maison et du potentiel que l’éditeur voit dans le titre. Certains éditeurs ne proposent pas d’à-valoir et rémunèrent directement les écrivains en droits d’auteur.
L’à-valoir étant une avance, l’auteur ne touchera pas de droits d’auteur avant que la somme qui lui a été avancée ne soit remboursée. En revanche, si le livre ne se vend pas aussi bien que l’éditeur l’avait prévu, l’auteur n’a rien à rembourser. L’à-valoir est en quelque sorte un engagement que prend l’éditeur : puisqu’il a investi une certaine somme sur un titre, il va déployer les moyens nécessaires pour vendre le livre et ainsi se rembourser.
Les droits d'auteur
Une fois l’à-valoir remboursé par les ventes de livres, l’auteur va pouvoir commencer à toucher ses droits d’auteur sous la forme d’un versement annuel de sa maison d’édition.
C’est en effet une fois par an que les éditeurs réalisent la « clôture des comptes », c’est-à-dire le calcul de leur chiffre d’affaires net de retours. Pourquoi net de retours ? Parce qu’en France les libraires ont un droit de retour : si un livre ne se vend pas et immobilise leur stock, les libraires peuvent choisir de le renvoyer et sont alors remboursés. Le chiffre d’affaires net de retours ne prend donc en compte que les livres qui ont été effectivement vendus par des libraires et non ceux qui sont dans leur stock et qui peuvent encore être retournés à l’éditeur.
Comme indiqué plus haut, le taux de droit d’auteur moyen se situe entre 8 % et 12 %. Certains écrivains hors-normes sortent évidemment de ce cadre – comme Jean d’Ormesson qui était surnommé « Monsieur 18 % » par son éditeur – mais il s’agit d’exceptions.
Pour plus d’informations sur le droit d’auteur, jetez un œil à notre article « Le droit d’auteur : savoir négocier pour protéger son livre ».
L’autoédition
Une idée reçue tenace veut que l’auteur autoédité touche l’intégralité du prix de son livre. Elle est à nuancer pour deux raisons :
Premièrement parce que ces livres sont le plus souvent disponibles sur des plateformes qui prennent une commission sur chaque vente. Cela s’ajoute aux frais d’impression qui sont inévitables. Par exemple, KDP, le service d’autoédition d’Amazon, prend 30 % de commission par vente numérique et 40% sur les ventes en format papier.
La marge des auteurs est donc bien plus importante que lorsqu’ils publient chez un éditeur classique, ce qui est normal puisque les frais ne couvrent que l’impression et la commission du site marchant.
C’est la deuxième raison qui amène à relativiser les profits des auteurs autoédités. Pour obtenir un livre de qualité, l’auteur doit souvent faire appel à des prestataires qui lui assureront les services habituellement fournis par un éditeur : correction, mise en page, graphismes de couverture, promotion… Ces services ont un coût et ne sont pas toujours remboursés par les ventes.
Ces ventes sont d’autant plus difficiles que l’auteur autoédité ne bénéficie pas des services d’un diffuseur, son livre n’est donc pas présent en libraire, sauf dans de rares exceptions. Il n’a généralement pas non plus accès aux médias traditionnels qui jouent un rôle important dans la visibilité des écrivains publiés à compte d’éditeur. Il est possible de générer un revenu régulier lorsque l’on est autoédité, mais cela demande du temps et de l’investissement puisqu’il s’agit d’assurer soi-même sa promotion et sa diffusion.
Vivre de sa plume ?
Assez peu d’auteurs peuvent se permettre de vivre de leur plume. En 2013, environ 5 000 auteurs, traducteurs et illustrateurs étaient affiliés à l’AGESSA, la sécurité sociale des auteurs. Le critère pour pouvoir prétendre à cette affiliation est de gagner au moins 8 649 euros par an, ce qui ne signifie donc pas que tous vivent de leur plume. Le revenu médian des affiliés est d’environ 22 000 euros et varie fortement en fonction des genres littéraires puisque l’à-valoir moyen de ces auteurs est de 12 200 euros en littérature générale contre 2 426 euros pour les auteurs de littérature jeunesse. 78,5 % des affiliés déclarent que l’écriture est leur source de revenus principale, mais beaucoup ont un autre métier ou exercent une activité complémentaire.
Vous l’aurez compris, il est impossible de traduire la rémunération moyenne des auteurs par un chiffre précis, les maisons d’édition étant discrètes à ce sujet et les réalités étant extrêmement différentes d’un écrivain à l’autre.
Nous espérons cependant que ces quelques chiffres vous auront donné une idée plus précise de la manière dont fonctionne la rémunération des auteurs. Pour en savoir plus sur la manière dont les revenus d’un auteur peuvent évoluer d’un livre à l’autre, nous ne saurions trop vous recommander d’écouter quelques épisodes du podcast Bookmakers d’Arte Radio, dans lequel l’animateur demande systématiquement à l’écrivain invité le montant des à-valoir qu’il a reçu pour ses différents livres. On est parfois surpris du chemin parcouru !