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Conseils écriture

Auteure, autrice, écrivaine : quel mot choisir ?

Par 

Solenn Rousseau

Le 

Jan 23, 2023

Encore aujourd’hui, la féminisation de certains noms de métiers alimente de nombreux débats et le monde du livre et de l'édition ne fait pas exception. Les opposants à l’usage de noms de métiers féminisés utilisent souvent comme argument le fait que mettre un nom de métier au féminin reviendrait à mettre en péril l’euphonie de la langue française. C’est-à-dire, rendre certains noms de métiers moins « beaux » à cause de leur sonorité. Le mot « autrice » fait souvent l’objet de ce genre de critique, ce qui est étrange quand on sait que des métiers comme « présentatrice » ou encore « institutrice » ne suscitent pas les mêmes désaccords.

C’est pourquoi il subsiste encore un flou concernant l’usage de certains noms de métiers. Doit-on dire une autrice ? Une auteure ? Ou encore une écrivaine ?

Une brève histoire de la féminisation des noms de métier

Au Moyen Âge, de nombreux noms de métiers existaient au féminin et cette objection à les féminiser était beaucoup moins présente qu’aujourd’hui. À cette époque, on dit déjà « peintresse », « venderesse », « inventeure » pour qualifier des métiers exercés par des femmes.

Reprise au XIVe siècle, la loi salique, plus connue comme étant la loi qui a entériné l’interdiction aux femmes de succéder au trône en France, a nettement modifié la place des femmes dans la société en les relayant au rang « d’épouses de », ce qui a fait reculer l’usage courant de la féminisation des noms de métiers.

Contrairement à ce que nous pourrions penser, il n’y a pas réellement d’amélioration avec la Révolution française (malgré Olympe de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne), ni même suite aux deux guerres mondiales durant lesquelles les femmes ont été amenées à exercer des métiers jusqu’alors « réservés » aux hommes.

Il faudra attendre les années 80 pour que des changements concernant la féminisation des noms de métiers commencent à voir le jour, comme avec la mise en place de la « Commission de terminologie chargée de la féminisation des noms de métiers et de fonctions ». Même si cette dernière n’apportera pas les améliorations escomptées, c’est déjà un début d’initiative politique. En 1999, le Guide d’aide à la féminisation aussi connu sous le nom de Femme j’écris ton nom, voit le jour grâce au Centre national de la recherche scientifique ainsi que l’Institut national de la langue française.

L’étymologie des mots « Auteur » et « Écrivain »

Auteur, d’où ça vient ?

Le mot « auteur » vient du latin auctor qui veut dire « celui qui pousse à agir ». Auteur vient du verbe augeo, augere qui signifie « celui qui est à l’origine de quelque chose ». On retrouve donc cette notion de création, d’action. En ancien français, au XIIe siècle, on utilisait le mot auctur.

Le féminin naturel du mot auctor est auctrix, lui-même l’ancêtre du mot « autrice ». Le Dictionnaire historique de la langue française précise qu’il y a plus de 400 ans, des mots comme « autoresse », « femme-auteur », « auteure » ou encore « auteuse » étaient déjà utilisés pour parler des femmes, des autrices qui écrivaient de la littérature.

La féminisation du mot « auteur » est donc bien plus ancienne que ce que l’on pourrait penser.

Dictionnaire historique de la langue française
Le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey

Écrivain, d'où ça vient ?

Le mot écrivain vient du latin scriba qui signifie « scribe », « greffier » et de l’ancien français escrivain. Au XIIe siècle, un écrivain est un copiste et ce n’est qu’un siècle plus tard que ce mot désigne quelqu’un qui écrit ses propres textes. Par ailleurs, on remarque également qu’une forme féminisée du mot « écrivain » existait déjà dès le XIVe siècle pour désigner une autrice. Ces femmes étaient des escrivaines ou des escripvaines. Ces mots ont disparu au XVIIe siècle, lorsque le moyen français a été remplacé par le français dit « moderne ».

Les règles de la féminisation des métiers

Quand le nom se termine au masculin par une voyelle

  • S’il se termine par un « e », le féminin et le masculin restent les mêmes : un architecte -> une architecte. Sauf quelques exceptions comme un maître -> une maîtresse.
  • S’il se termine par un « é » ou un « i », on rajoute un « e » à la fin du nom : un attaché de presse -> une attachée de presse.

Quand le nom se termine au masculin par une consonne

  • S’il se termine par « eur », on remplace au féminin par la terminaison « euse » : un coiffeur -> une coiffeuse. Sauf certaines exceptions pour des noms épicènes (un mot dont la forme ne varie pas selon le genre) : un professeur -> une professeure.
  • S’il se termine par « teur », on remplace au féminin par la terminaison « trice » : un auteur -> une autrice, un présentateur -> une présentatrice. Sauf certaines exceptions comme un batteur -> une batteuse.
  • S’il se termine par d’autres consonnes, au féminin on ajoute un « e » à la fin du nom : un policier -> une policière, un auteur -> une auteure.

Le cas des métiers épicènes, lorsque le féminin est le même que le masculin

  • Les abréviations et sigles, au féminin seul le déterminant change : un DJ -> une DJ, un PDG -> une PDG.
  • Les mots empruntés d’une autre langue, au féminin seul le déterminant change : un judoka -> une judoka

Pour résumer, il existe trois façons de féminiser un nom de métier. Il y a les flexions morphologiques, lorsque la marque du féminin se fait directement sur le nom ; les flexions morphosyntaxiques, lorsque la marque du féminin repose sur le déterminant (c’est le cas pour les mots épicènes) ; les flexions énonciatives par reprise pronominale (ces architectes, elles sont admirables), lexicale (ces architectes sont très créatives) ou par phénomène d’accord (ces architectes sont douées).

Auteur, autrice ou écrivaine : que dit l'académie française aujourd'hui ?

Le 28 février 2019, l’Académie française a adopté le rapport sur la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Elle n’a pas pour but de légiférer, mais plutôt de rendre compte de l’état actuel de la langue française ainsi que de dégager les usages durablement établis dans la société.

L’autrice française Dominique Bona, élue à l’Académie française en 2013, a fortement contribué à l’adoption de ce rapport. Elle s’est d’ailleurs ouverte, dans un entretien donné dans le magazine Challenges, sur les difficultés rencontrées par l’Académie quant à la féminisation de certains métiers :

« La féminisation se fait plus difficilement quand on monte dans la hiérarchie des professions et des responsabilités. »

Dans ce même entretien, elle souligne la volonté de l’Académie, de s’ouvrir aux changements de notre « époque contemporaine » grâce au rôle « d’observation, de recensement et de conseil » des quarante membres de l’Académie française.

Dans ce rapport, l’Académie française souligne que l’usage des mots « auteure » et « autrice » se fait de plus en plus courant et ces termes sont donc totalement utilisables et acceptés dans la langue française. L’Académie juge néanmoins qu’utiliser « autrice » est « plus satisfaisant » qu’utiliser « auteure ». Idem pour le terme « écrivaine » qui « se répand dans l’usage sans pour autant s’imposer ».

En conclusion...

Chacun·e peut utiliser le terme qu’il ou elle préfère puisqu’ils sont tous les trois admis dans la langue française. Néanmoins, l’Académie française reste assez floue concernant les débats autour de la féminisation des noms de métiers, et notamment au sujet des motifs utilisés le plus souvent par les personnes souhaitant s’opposer à la féminisation des mots : « auteur » ou « écrivain ».

Il est important de rappeler que tous les arguments visant à freiner cette féminisation des noms de métiers – que ce soit le masculin comme étant le genre neutre, la polysémie de certains mots ou encore l’esthétisme des mots – ne sont pas valables dans la mesure où les mots « auteure », « autrice » ou « écrivaine » sont approuvés tant au niveau de la grammaire que de l’orthographe par l’Académie française.

Nous espérons que cet article vous aura plu et éclairé sur la question de l’usage de la féminisation des noms de métiers. Chez Édith & Nous, et à travers notre blog, nous souhaitons à la fois livrer tous nos conseils aux auteurs et autrices pour leur permettre d’appréhender au mieux le monde du livre et de l'édition, tout en abordant des sujets actuels qui nous semblent fondamentaux.

© Couverture : Jennifer Li

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